La lumière, cette étendue de fréquence du rayonnement électromagnétique, qui s’étend de la fin de l’ultraviolet jusqu’au début de l’infrarouge, est ainsi un acteur essentiel de la thermodynamique et de la biologie moléculaire du vivant.
Nous savions depuis longtemps que le règne végétal est totalement lié aux rythmes thermiques de la nature, alimentés par le soleil. Mais nous ignorions à quel point les équilibres les plus subtils de la vie sont liés en permanence au jeu des photons. Un brillant confrère, gynécologue, à qui avaient été présentées les propriétés cicatrisantes de la lumière pour la muqueuse vaginale, s’était exclamé : « Mais qu’est-ce que la lumière vient faire là-dedans ? »…
Je formule toujours la même réponse :
La lumière ne fait rien « là-dedans » car elle en fait déjà partie ; elle est dans le « dedans », de toutes les réactions chimiques, quelles qu’elles soient. Cette clé de lecture nous fait comprendre comment et pourquoi notre science et nos pratiques médicales doivent construire l’avenir autour d’une collaboration plus étroite entre biologistes et physiciens.
Seule cette collaboration nous permettra de gérer au mieux la nature « consubstantielle » de la lumière avec les réactions chimiques de la biologie moléculaire. Nous avons déjà déchiffré de nombreux mécanismes qui permettent à la lumière de devenir un agent thérapeutique de premier plan.
Nous avons en effet découvert son interpénétration dans la physiologie, essentiellement par son apport énergétique à différentes étapes clés de la biologie moléculaire, et son rôle direct et indirect sur la structure et les fonctions des molécules d’eau.
On le comprend parfaitement : là où les systèmes biologiques se ressemblent, dans le monde animal comme végétal, les mécanismes se ressemblent.
Les animaux ont également besoin de la lumière du soleil pour se développer.
Quant aux plantes, elles sont, plus que toute autre manifestation de la vie, en totale dépendance de la lumière, aussi bien celle du soleil que celle née au fond des océans de la chaleur des sols volcaniques…
Explorons plus loin la maîtrise de ces bienfaits.
Nous avons passé en revue le rôle énergétique très direct de la lumière sur la chaîne métabolique de transport des électrons, présente au sein des mitochondries de toute cellule.
Regardons, à nouveau, le schéma de la page 23 : nous y voyons deux flèches rouges qui indiquent les cibles principales de la lumière sur la chaîne de transport des électrons, augmentant la production d’ATP.
Nous y voyons également une troisième flèche rouge. Elle pointe une réaction chimique très connue dont nous avons déjà parlé, celle de l’Oxygène lorsqu’il réagit avec l’Hydrogène pour synthétiser de l’eau. C’est en effet la plus exothermique de toutes les réactions chimiques. C’est la réaction qui permet aux fusées porteuses de décoller vers l’espace et d’échapper à la gravitation terrestre. La voici au bout de la chaîne de transport des électrons, là où l’oxygène que nous respirons est utilisé : c’est à cela que sert l’oxygène ! Ce procédé est vital ! S’il se bloque, le métabolisme cellulaire s’effondre.
Il existe un exemple spectaculaire et « théâtral » de ce blocage : l’empoisonnement par le cyanure. En quelques minutes, la phosphorylation oxydative s’arrête, et la vie avec.
Cette précieuse et vitale réaction de l’oxygène permet également à l’organisme, pour un humain de poids moyen, de synthétiser en moyenne 500 à 600 ml d’eau chaque jour. La chaleur dégagée par cette réaction exothermique est importante, et explique probablement, en grande partie, la température de 50°C mesurée au sein de la mitochondrie.
Il faut aussitôt admettre le corollaire de cette élévation thermique : l’émission de rayonnement infrarouge, dont tout l’environnement hydrique de la cellule va profiter, tout particulièrement en raison de l’extension des Zones d’Exclusions propres au film d’eau. Le rôle de la lumière est à nouveau prépondérant. Précisons enfin que dans cette réaction avec les noyaux d’Hydrogène (qui sont des protons), les atomes d’Oxygène doivent se trouver dans leur forme très réactive appelée « Oxygène singulet ».
Le rayonnement dans le rouge, autour de la longueur d’onde de 635 nm (demi-longueur d’onde de 1270 nm qui est la raie principale du spectre de l’Oxygène), favorise le passage de la forme peu réactive « Oxygène triplet », à la forme très réactive « Oxygène singulet ».
Nous avons, ainsi, au fil de ces pages souligné l’interaction permanente de la lumière avec les principaux chromophores que sont la mélanine, l’hémoglobine et l’eau, certaines protéines de la chaîne respiratoire, et l’oxygène.
Nous avons vu également quelles activités concernaient essentiellement la lumière dans le rouge et le proche-infrarouge, entre 600 nm et 1100 nm pour simplifier.
Nous n’avons cependant pas encore souligné que ces effets concernaient des sources lumineuses peu concentrées, en fait peu puissantes. C’est une précision très importante : il suffit de se souvenir de ce que l’on peut obtenir du rayonnement solaire avec une simple loupe. Les photons arrivent sur la surface de la loupe, qui n’est rien d’autre qu’une lentille convergente, se concentrent vers un seul point, le foyer de la lentille, où leur énergie s’additionne et enflamme du papier… ou la forêt.
Rappelons donc que ce nous évoquons dans ces pages ne concerne que les sources lumineuses de niveau bas et moyen, capables de déclencher des effets biologiques sans pour autant détruire, par effet thermique, les tissus exposés.
C’est le principe même de la Photobiomodulation, souvent représentée par l’acronyme PBM.
Les moteurs de recherche scientifiques utilisent également un acronyme qu’il est utile de connaître : l’acronyme anglo-saxon LLLT, soit : Low Level Light Therapy, ou : Low Level Laser Therapy, ou encore : Low Level LED Therapy.
Nous aurons ainsi évoqué les propriétés biologiques fondamentales des photons de basse puissance, visibles et infrarouges, sur les tissus vivants.
Dans ce domaine des basses puissances nous avons souligné le rôle plus important des rayonnements rouges et infrarouges, des effets semblables étant également observables avec les rayonnements bleus. Nous l’avons précisé : dans la première partie qui va de la fin de l’ultraviolet, vers 380 nm jusqu’au milieu du bleu, au-delà de 450 nm, la lumière pénètre très peu dans les tissus et ne peut y produire les effets attendus avec le rouge et l’infrarouge. La raison de cette très faible pénétration de la lumière UV et bleue, est son absorption très importante par la mélanine et l’hémoglobine (cf courbes d’absorption représentées dans le chapitre précédent).
Cependant, cet espace de longueurs d’onde englobant le proche ultraviolet et le bleu a révélé une activité anti-infectieuse puissante. Cette activité est devenue très précieuse en dermatologie, en gynécologie, en ophtalmologie et en cancérologie. Elle fait intervenir un autre mécanisme propre à la lumière : sa capacité à stimuler certaines molécules en leur faisant produire des radicaux chimiques agressifs pour leur environnement cellulaire. Par exemple, on imprègne un cancer superficiel d’une substance photosensible, puis on éclaire la zone avec une source lumineuse, de basse puissance, rouge. Les photons vont exciter les molécules de la substance photosensible et leur faire produire des radicaux libres dérivés de l’oxygène (ROS ou Reactiv Oxygen Species), qui vont détruire les cellules cancéreuses.
On appelle cela la Photothérapie dynamique et cela fonctionne si bien qu’il est possible, dans bien des cas, de remplacer avantageusement la chirurgie.
Un mécanisme du même type explique les propriétés anti-infectieuses de la lumière dans le spectre de longueurs d’onde qui s’étend de l’Ultraviolet B à la fin du bleu, c’est à dire de 300 nm à presque 500 nm. Beaucoup d’agents infectieux, bactéries, virus, levures, parasites, etc., contiennent des molécules particulièrement photosensibles qui, activées par la lumière, peuvent tout simplement les détruire.
Rappelons à cette occasion que les photons appartenant à ce domaine de longueurs d’onde couvrant l’ultraviolet et le bleu, sont les plus énergétiques du spectre lumineux, ce qui s’explique comme suit :
L’énergie transportée par un photon est directement proportionnelle à la fréquence du photon et ainsi inversement proportionnelle à sa longueur d’onde.
Elle s’exprime à travers une équation très simple que voici :
Δ Ε = h x ν
L’énergie d’un photon (E), exprimée en Joule est égale au produit de sa fréquence (v) exprimée en Hz/seconde, par la constante de Planck (h). Rappelons que la constante de Planck est un nombre extrêmement petit, égal à 6,63 X 10-34.
Un photon Bleu, à 400 nm, transporte ainsi deux fois plus d’énergie qu’un photon du proche Infrarouge à 800 nm.
Au regard des réactions chimiques que cette énergie permet, ou tout simplement de l’agitation moléculaire qu’elle entraîne, une partie de cette énergie se transformera en chaleur, dissipée sous la forme de photons infrarouges, dont les fréquences sont moindres et les longueurs d’onde plus élevées.
Reste une question : que faisons-nous de cette partie du spectre qui commence à la fin du bleu et s’achève au début du rouge ?
En d’autres termes, que faire des photons verts et jaunes dont nous pouvons aussitôt dire qu’ils sont plus énergétiques que les photons rouges et infrarouges ?
Conformément à la logique de la Photobiomodulation, leurs effets ne sont pas inexistants mais ne sont pas essentiels.
En revanche, si l’on considère les spectres d’absorption par les chromophores, on découvre 2 pics d’absorption par l’hémoglobine, l’un dans le vert et l’autre dans le jaune. Les photons de ces longueurs d’onde vont donc élever significativement la température de l’hémoglobine. Si on les concentre suffisamment, on obtient une coagulation du sang et ainsi, une destruction des petits vaisseaux visés.
C’est l’effet thérapeutique obtenu par les Lasers verts ou jaunes, très utilisés en dermatologie et en médecine esthétique pour se débarrasser des hématomes, des angiomes, des érythroses, de la couperose, etc.
Ainsi agissent les Lasers KTP, qui émettent dans le vert, à 532 nm (c’està- dire la demi-longueur d’onde des Lasers YAG), et des lasers à Colorant pulsé, qui émettent dans le jaune à 585 nm.
Avant d’aborder les nombreuses applications thérapeutiques des sources de lumière de basse puissance, précisons rapidement un point de terminologie. Cette histoire commence avec le Prix Nobel de 1903, récompensant la découverte des Photothérapies, puis s’étend à l’utilisation de sources de lumière à buts thérapeutiques, de puissances faibles à modérées, aujourd’hui des lasers et des LED, dans le domaine spectral couvrant la fin de l’ultraviolet, le bleu, le vert, le jaune, le rouge et le proche infrarouge. Dans ces conditions, l’appellation Photothérapie est à privilégier, et à ne surtout pas confondre avec l’appellation Luminothérapie. Cette dernière désigne un chapitre particulier des photothérapies qui consiste, en exposant les yeux à de puissantes sources artificielles de lumière du jour, à traiter certains états dépressifs et certains troubles du sommeil.
Notre objectif est maintenant de découvrir le contenu technologique et scientifique de la Photothérapie, dédiée à la thérapeutique, par exposition de différentes parties du corps à différentes longueurs d’onde du spectre lumineux pour réparer en stimulant.
Les longueurs d’onde correspondant à des fréquences qui peuvent être isolées ou au contraire assemblées, une analogie avec le son et les instruments de musique s’impose. Un jour peut-être écrirons-nous des partitions lumineuses thérapeutiques ? L’orchestre serait alors le soleil, car il rassemble tous les instruments, et nous incite depuis toujours, instinctivement, à lui exposer notre corps pour obtenir repos, soulagement, réparation…
Avant de nous engager sur le territoire des photothérapies thérapeutique de la Photobiomodulation, celui de puissances faibles à modérées, voyons quelle place il occupe déjà dans l’arsenal thérapeutique :
Pour y répondre, il faut recourir à la langue anglaise, qui est celle, qu’on le déplore ou non, des principales revues médicales internationales. Ces principales revues disposent de comités de lecture, dont le but est de vérifier avant publication le sérieux et la qualité scientifique des textes. Cette validation par des pairs est aujourd’hui un critère essentiel à la notoriété scientifique.
En médecine, les outils de recherche permettent, sur le web, d’accéder instantanément à tous les textes parus sur un sujet donné. Ces « moteurs de recherche » sont eux-mêmes anglo-saxons, et plus précisément américains…
Les principaux sont, à mes yeux, Google-Scholar (https://scholar.google. com/) qui rassemble toute la littérature scientifique dont le médical, et Pub-Med (https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/) dédié au médical et rassemblant notamment le contenu de la National Library of Medicine.
Qu’on soit ou non scientifique, deux acronymes facilitent les recherches : PBM pour Photobiomodulation, et surtout LLLT pour Low Level Light Therapy.
Par exemple, pour accéder aux articles concernant la photobiomodulation dans l’acné, ouvrons Google Scholar et entrons « LLLT acne ». Instantanément, nous avons accès à 2710 articles dont 270 depuis 2022…
Pour preuve de l’importance de ce qui va suivre, demandons-nous combien d’articles scientifiques contrôlés ont été consacrés au concept de low level light laser therapy à la date du 24 février 2023 ?
Le moteur de recherche fait apparaître 2,670,000 résultats, dont 17,700 depuis 2022. L’affaire est très sérieuse et le sujet en plein développement.
Ce sont surtout les dix dernières années qui ont donné lieu à un démarrage considérable des ressources thérapeutiques de la photobiomodulation.
Avant de nous y plonger, regardons de plus près les sources modernes de lumière, qui permettent aujourd’hui d’envisager telle ou telle méthode thérapeutique.
Ces sources de lumière sont des outils thérapeutiques appartenant à un domaine particulier, celui des dispositifs médicaux. Ce domaine est réglementé, comme le signale et en atteste la plaque porteuse d’une référence précise fixée sur chacun de ces outils.
La première source moderne étudiée en 1967 par Endre Mester, en Hongrie, était un laser « Rubis » de basse puissance émettant vers la fin du rouge à 694 nm. La technologie a donné par la suite naissance à une grande famille de lasers, également de basses puissances, émettant dans le bleu, le vert, le rouge et le proche-infrarouge.
Ces lasers sont habituellement collimatés, c’est à dire que grâce à l’ajout d’une lentille, les rayonnements émis ne s’écartent pas en cônes, comme le fait habituellement la lumière, mais restent groupés. Une de ces applications, devenue aujourd’hui d’une grande banalité est celle des pointeurs lasers utilisés par les conférenciers ou par tout un chacun, pour faire jouer les chats…
Ces lasers collimatés ont l’avantage de garder leur puissance à distance. Exprimée en Watt par cm2, cette puissance devient une « densité de puissance ». Gardons en tête de ne pas confondre puissance, qui s’exprime en Watt, et énergie, qui s’exprime en Joule. La relation est très simple à mémoriser : 1 Joule = 1 Watt par seconde. Donc un laser délivrant une puissance de 1 Watt par cm2 délivrera 1 Joule par seconde sur ce cm2, soit 10 Joules en 10 secondes. Les diodes lasers utilisées ici en photobiomodulation ont des densités de puissance habituelles qui vont de 10 mW à 500 mW, voire plus, par cm2.
Beaucoup plus souples à utiliser, aussi puissantes et beaucoup moins chères à fabriquer sont aujourd’hui les LED, dont le rayonnement ne peut être collimaté, mais qui supplantent de plus en plus l’utilisation des diodes laser.
On peut dorénavant en équiper des panneaux de toutes dimensions. Les LED sont devenues, actuellement, la source de lumière la plus utilisée dans les appareils de photobiomodulation. Cependant, certains appareils sont équipés de diodes laser et de LED qui peuvent fonctionner en même temps.
Le progrès technologique avance à grand pas et, selon l’adage qui nous demande de mesurer tout ce qui est mesurable, une question se pose : Avons-nous intérêt à traiter en douceur ou avec force et grande rapidité ? Autrement dit, jusqu’à quelle intensité pouvons-nous administrer de la lumière, c’est-à-dire des photons, sans atteindre le seuil de brûlure légère ? Sachant que ce n’est ni leur vitesse, qui est fixe, ni leur masse, qui n’existe pas, mais leur nombre qui fera la différence.
La réponse est en bonne partie dans la mesure des événements qui se produisent lorsque des photons entrent à leur échelle dans les orbites électroniques d’un atome. Les photons cèdent leur énergie à des électrons qui changent d’orbites : nous avons précédemment examiné cela. Mais le phénomène est extraordinairement rapide. La capture d’un photon par un électron se fait en un millionième de milliardième de seconde, c’est à dire un millionième de nanoseconde. C’est bien cette mesure qui a donné naissance à des diodes laser et aujourd’hui des LED, qui envoient des impulsions lumineuses puissantes, d’une durée extraordinairement brève de 10 à 100 nanosecondes.
Résultat : Bien qu’on envoie énormément de photons pour agir, la durée d’action est trop courte pour brûler.
Ces Lasers et LED nanopulsés sont d’un grand intérêt pour une mise en pratique beaucoup plus large de la photobiomodulation.